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Nulle autre prétention ici que de préciser quelques contours d'une mémoire volatile, et de les fixer pour un temps indéterminable. Nulle autre ambition que de les donner à voir au passant occasionnel, qu'un clic fortuit aura mené jusqu'à cette place, et de peut-être créer l'opportunité d'une découverte. Qui sait ?

25 février 2007 7 25 /02 /février /2007 17:38
                      Après une Lecture

                                            A Jean Rabeyrin
                                                       (dédié, mais non adressé)

             De ton livre, sans l’avoir lu,
J’avais subodoré l’ennui qui m’y consterne.
             Quelle endurance il m’a fallu !
J’en savais tout par cœur : l’Angoisse, l’Absolu,
             Du moderne ! encor du moderne !
 
             « Nous délivrera-t-on un jour
Des Grecs et des Romains ? » soupiraient nos grands-pères.
             Et moi, je soupire à mon tour :
« Nous délivrera-t-on de ces coups de tambour
             Obsédants et réglementaires ? »
 
             Ce n’est pas que j’en sois encor
A mépriser ton vers de n’être qu’une ligne.
             Tout ce qui brille n’est pas d’or,
Et je ne suis pas sûr de mettre Maldoror
             Après Casimir Delavigne.
 
             Mais ta révolte, et ton tourment,
Face à l’absurdité du Néant qui t’oppresse,
             Que c’est vieux ! que c’est assommant !
Et ne pourrais-tu pas me dire simplement
             Quelque chose qui m’intéresse ?
 
             Absurde, Néant, Désarroi.
J’y suis comme toi-même, et je parviens à vivre
             Sans aller m’en fournir chez toi,
Car le pire Néant, c’est celui que je vois
             Se manifester dans ton livre !
 
             Oui, je sais, l’Authenticité.
La plongée au Réel, le contact avec l’Être.
             Nous l’a-t-on assez répété,
Sont le chemin royal, unique, incontesté,
             Qui mène à Re-naître et Con-naître.
 
             Et c’est vrai, mais pour Hoelderlin,
Rainer Maria Rilke, Orphée ou Pythagore,
             Lorsque d’un texte sibyllin
Les creux sont plus charnus que le plein le plus plein
             De ton inanité sonore.
 
             Car, dis-moi, qu’as-tu découvert
Qui verse en mon esprit des clartés singulières ?
             Que le ciel est bleu, l’arbre vert,
L’existence un problème et le monde un désert :
             Il pleut des vérités premières !
 
             A ce compte-là, j’aimais mieux,
Même au prix d’un vers faible et de quelques chevilles,
             La doctrine de nos aïeux :
D’être attentif, adroit, modeste et sérieux
             Autant qu’un bon joueur de quilles.
 
             Un astre en ton ciel : c’est Rimbaud.
Je l’aurais parié. C’est le poncif suprême
             (Soixante ans de succès bientôt) :
Voyance fulgurante et frisson comme il faut :
             Insolite et toujours le même !
 
             Il s’y joint – et c’était fatal –
Ton credo sans nuance en des fins politiques
             Dignes d’un débile mental,
Tes slogans, tes fureurs, enfin tout l’hôpital
             Des cuistres qui sont fanatiques !
 
             « Penseur », et « témoin de ton temps »,
On m’avait dit encor que ton lyrisme excelle,
             En des accès intermittents,
A peindre le bonheur, la saveur des instants,
             Et la tendresse universelle,
 
             Que tu chantes les animaux,
Les femmes dans ton cœur et les fleurs sur ta route,
             Et que tu découvres les mots
Où butaient avant toi les poètes normaux
             Que tu n’as jamais lus, sans doute.
 
             Eh bien non ! ils s’y prenaient mieux,
Car la joie ou l’amour, la détente ou l’extase
             Sont des sujets tellement vieux
Qu’il n’était pas besoin, pour les rendre ennuyeux,
             De les revêtir de ta phrase.
 
             Et de ta phrase, ah ! parlons-en !
Bourreau de la syntaxe et du vocabulaire,
             Pesant, imposant, patoisant,
Suffisant, épuisant, mais jamais amusant,
             A quel sourd-muet peux-tu plaire ?
 
             Ah oui ! tu peux t’interroger
Sur le sens, la portée et l’ampleur du « message »
             Qu’il te plaît de nous infliger.
Moi, je suis au regret de trouver Béranger
             Aussi profond et bien plus sage.
 
             D’abord, son vers était un vers,
Ensuite sa pensée, un peu trop ingénue,
             Se passait des jupons pervers
Qu’il faut faire glisser pour aller jusqu’aux chairs
             De la tienne, alors deux fois nue !
 
             Je plains mes efforts superflus
Pour combler d’un vrai vide une fausse lacune.
             Tous tes vers, je les avais lus.
Rentre dans ton Néant, et surtout n’en sors plus,
             Adieu pour toujours. Sans rancune.
 
Victor Bernard, 1970, En toute innocence, Cerf-Volant.
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